lundi 24 juin 2024

La médiocrité est-elle le prix de la démocratie ?

Source Graphique : 
https://fr.statista.com/infographie/25769/carte-indice-de-democratie-dans-le-monde/

Le souci de la Démocratie

    J’aime beaucoup cette phrase de Churchill : “La démocratie est un mauvais système, mais elle est le moins mauvais de tous les systèmes”.

    Rassurez-moi, vous êtes démocrate ? A la bonne heure ! je puis alors vous parler en confiance. Je suis sûr que vous vous souciez de l’avenir de la démocratie autant que moi.

    Comment ne pas s’inquiéter en effet pour l’avenir de celle-ci? Les dangers qui la mettent en péril sont si nombreux ! Mais dans les faits, sont-ils plus nombreux que par le passé, au cours duquel elle fut sans cesse combattue ?

    Dès sa naissance en Grèce, elle fut attaquée, et pas par les moindres ! L’aristocrate Platonne cessait de la critiquer avec haine et mépris. Platon fut d’une certaine façon le premier penseur politique de la réaction et du totalitarisme,  Mais qu’avait-il à opposer à la Démocratie, sinon la société de cauchemar qu’il dépeint avec délectation dans son ouvrage majeur, sa fameuse « République » ; mirage d’une société aristocratique injuste et violente, reposant sur le rêve d’un passé merveilleux qui en vérité n’avait jamais existé ?


C’est tellement facile de critiquer la Démocratie !

    La Démocratie n’est bien sûr pas un système parfait, mais la perfection ne peut pas être un projet politique, pas plus que le bonheur d’ailleurs. Le bonheur est subjectif, c’est une affaire individuelle, tous les régimes qui ont voulu l’instaurer par des lois, ont été des régimes totalitaires. Un gouvernement raisonnable ne peut que tenter de réaliser une société favorisant son épanouissement. Il en est de même pour l’idée de perfection. Si l’on veut un régime politique parfait, il faut que l’ensemble de ses citoyens soient parfaits. Vaste programme…


Société ouverte

    La Démocratie est née en même temps que la société ouverte, si bien décrite par Karl Popper. Une société ouverte au monde, née de l’empire commercial athénien, qui peu à peu permit à ceux-ci de se dégager de l’esprit de caste et de tribu, en constatant que les étrangers, les fameux « métèques », partageaient de nombreux points communs avec eux. La Démocratie est née en même temps que l’idée de l’universalisme.

    On ne le sait pas assez, cette prise de conscience d’une sorte de fraternité humaine, s’étendit également à la perception de l’esclavage qui, si la Démocratie n’avait pas été mise à bas par les Tyrans, aurait peut-être fini par être aboli. Mais la route était encore si longue !...

A lire absolument !

    Dans la Grèce antique, la Démocratie fut pensée pour des citées états, des villes de tailles réduites où presque tous les citoyens se connaissaient. Cela peut paraître un détail, mais voter pour quelqu’un que l’on connait réconforte quelque peu l’électeur qui doit choisir. J’ai en mémoire ce paragraphe d’un courrier du sieur Adrien-Joseph Colson, avocat au parlement de Paris en avril 1789, qui écrivit ceci : « Je ne suis pas allé, comme je le projetais, à l'assemblée préliminaire des États, n'ayant la liberté de nommer pour électeur que des personnes de mon district, c'est-à-dire d'une partie de la paroisse, n'en connaissant pas trois qui aient pour cet effet les qualités requises, ni tout ce qu'il faut, et n'ayant pas le temps de m'informer pour en connaître d'autres. » 

    Voter, c’est donner sa voix à quelqu’un qui va parler à votre place. Si l’on y réfléchi bien, cela demande de la confiance. Il est donc préférable que le candidat soit connu, ce qui implique que celui-ci ait les moyens de se faire connaître, et ce disant, on ne peut que penser à l’importance croissante que prendra la presse dans l’essor des démocraties modernes. La presse sert tout autant à guider l'opinion, voire la former, qu'à informer. 

    L’éducation des citoyens est également très importante. Les écoles doivent pouvoir fabriquer des esprits instruits et critiques, afin que ceux-ci puissent faire de bons choix et évitent de tomber dans les pièges de la démagogie ou du populisme. Plus les citoyens sont excellents, plus la Démocratie sera bonne. Mais ne rêvons pas, contrairement à ce que certaines utopies du siècle dernier ont voulu nous faire croire en cherchant à créer des hommes nouveaux, tout le monde ne peut pas devenir Mozart, Einstein ou Périclès. Chacun à ses propres limites, ce n'est ni bien ni mal, c'est juste l'injustice de la nature.


Le principal problème

    Plus une société grandit, plus elle s’étend, et plus sa Démocratie se fragilise. Un pays peuplé de millions d’individus, voire de centaines de millions, semble ne pouvoir construire qu’une apparence de Démocratie. Qui plus est, celle-ci devra être étayée par une puissante ingénierie sociale, guidant, voire fabriquant l’opinion publique. (Lire mon article intitulé "Propaganda, information ou ingénierie sociale ?"). C’est ce que nous observons de nos jours. Indépendamment de ses paramètres historiques et culturels, la Chine, par exemple, avec son milliard et 400 millions d’habitants risque de ne jamais devenir une Démocratie. Ou alors ce ne sera qu’une parodie de Démocratie, comme l’Inde et bien d'autres pays...


Choix du plus grand nombre et inévitable médiocrité.

    Le but de ce texte n’est pas de vous raconter l’histoire de la Démocratie et ni de vous détailler ses nombreux problèmes. Il est plutôt de nous rendre compte d’une sorte d’évidence, celle de l’inévitable médiocrité et de la nécessité de s’en accommoder.

    La Démocratie, c’est la loi du plus grand nombre et plus les citoyens sont nombreux, plus la moyenne est basse. Les gens critiquent les politiciens et les condamnent volontiers pour leur incompétence ou leur malhonnêteté. Mais ce sont ces mêmes gens qui élisent et réélisent toujours ces mêmes politiciens ! Certains élus vont même jusqu'à affirmer que leurs électeurs sont cons

"La plupart des gens sont cons" dit Nicolas Perruchot.   

    Le 20 août 2024, l'ancienne attachée de presse de Donald Trump, Stephanie Grisham, a déclaré que celui-ci se moquait de ses partisans en les qualifiant de "résidents du sous-sol". (Des rats si vous préférez).

     
    Et que dire de notre président pour lequel la plupart de ses sujets sont "des gens qui ne sont rien" ?

    Nous pouvons en déduire, quoi qu’on en dise, que les électeurs de ces gens considèrent ce mépris comme étant normal. De là à conclure que les citoyens élisent des gens qui leurs ressemblent, il n’y a qu’un pas. Il ne s’agit pas d’une ressemblance sociale, mais plutôt d’une ressemblance dans les comportements, choix moraux, etc. 

    Il faut faire avec la médiocrité démocratique.

There is no alternative

Il n'y a pas d'alternative.

    L’alternative, soit l’excellence à tout prix, ce serait le gouvernement par les meilleurs ! Cela s’appelle l’aristocratie. Ce disant je songe à Joseph II, empereur d’Autriche Hongrie, dont la devise était : « Tout pour le peuple, rien par le peuple ». Mais tout ce qu’il fit de bien pour l’émancipation de son peuple : nationalisation de biens de l’église, fermeture de monastères, pour financer des écoles, (et bien d'autres choses) fut rétabli à la demande dudit peuple après sa mort. (Le peuple a tendance à aimer les chaînes qu'il a portées durant des siècles.)

 Ce que je veux dire, c’est qu’il ne faut pas se laisser illusionner par le mirage du gouvernement par les meilleurs. C’est d’ailleurs un fantasme qui revient de nos jour par le biais du mouvement transhumaniste, dont certains prophètes prédisent un futur gouvernement régi par des hommes « augmentés » par la technologie, et devenus des dieux (lisez ou écoutez les idées de Laurent Alexandre). C’est une résurgence de nos antiques pulsions de soumission à des divinités, que nous avons hérité de notre longue évolution, et qui malheureusement font encore le bonheur de nombreux gouvernement théocratiques, aussi anachroniques que totalitaires (retour aux sociétés fermées postérieures à la démocratie).


Risque limité ?

    Tant que le système démocratique persiste, rien n’est véritablement perdu. Un mouvement populiste, nationaliste et raciste, pourra par exemple à un moment donné séduire les citoyens et se faire élire ; comme c’est déjà arrivé en Europe, au Brésil ou aux USA. Mais tant que les institutions politiques sont préservées, il peut être viré lors des élections suivantes. Le danger étant bien sûr que ledit mouvement change les institutions une fois au pouvoir (comme Hitler après son élection en 1933)

    Mais il existe d’autres barrières que l’on sous-estime, celles de la finance par exemple. Comme je l’ai déjà expliqué dans un autre article sur le pouvoir, les banques refuseront de financer certaines politiques qui s’éloigneront trop de leur dogme libéral et mondialiste. Jusqu’à présent elles ont constitué un indiscutable frein au progrès social. Mais il est fort probable qu’un parti d’extrême droite aurait presque autant de mal à financer sa politique qu’un parti d’extrême gauche, une fois parvenu au pouvoir. C’est d’ailleurs ce que l’on a déjà observé en Europe ou nombre de partis d’extrême droite ont révisé leurs discours isolationnistes, après avoir emporté des élections (qu’ils perdirent d’ailleurs ensuite).

    Concernant la mécanique du pouvoir, je vous conseille la lecture de mon article "Transition ? Quel pouvoir avons-nous ?"


    Le danger de l’incompétence, c’est tout de même le risque de guerre. C’est ce que l’on a vu avec l’Ukraine qui a élu un président populiste qui s’était rendu célèbre à la télé en faisant semblant de jouer du piano avec son pénis (et autres fantaisies du même genre) et qui s’est laissé manipuler par nos amis américains jusqu’à rendre dingue le psychopathe du Kremlin. Pour "excuser" en partie le pauvre Zelensky, il faut reconnaître que ses électeurs, aussi nationalistes, religieux et revanchards que les Russes, rêvaient depuis longtemps d’en découdre, sous couvert bien sûr de la protection américaine. Mais là n’est pas le sujet de mon article (Lire plutôt celui-ci).

Zelensky jouant du piano avec son pénis.

S’en tenir à ce qui est possible et s'en satisfaire

    Méfions-nous des système politiques qui prétendent à la perfection. 

Aristote écrivait dans son ouvrage "Les politiques" (Livre IV, 1, 1288-b) :

"il faut non seulement s’occuper de la constitution excellente, mais aussi de celle qui est possible, et, de même, de celle qui est plus facilement et plus communément accessible pour toutes les cités".

    Trop de systèmes en effet ont été inventés pour les hommes tels qu'on voulait qu'ils soient, plutôt que pour les hommes tels qu'ils sont. Certains sont même allé jusqu'à vouloir créer de nouveaux hommes ! Tous ces systèmes ont tourné au cauchemar.

    L’empereur romain Marc Aurèle a écrit ceci dans son ouvrage philosophique "Pensées pour moi-même" (IX, 29, 5) :

"N'espère pas la République de Platon, mais soit content si une petite chose progresse, et réfléchis au fait que ce qui résulte de cette petite chose n'est précisément pas une petite chose !"

 

S'accommoder de la médiocrité ?

    Essayons de nous accommoder de la médiocrité, autant faire se peut. Sauf exceptions, les politiciens médiocres, sont à l’image de leurs concitoyens et ne sont que moyennement dangereux.

    De toute façon, quelle alternative avons-nous ? Voudriez-vous vivre en Chine, en Russie ou en Inde ? Voire même aux USA ? Pas moi, soyez-en sûrs.

    D’une certaine façon, la Démocratie est plus un objectif, une destination, qu’un état ou une situation véritablement atteignable. Il faut tendre vers celle-ci, tout en sachant que l’on risque de ne jamais y parvenir. Ce dont je suis cependant convaincu, c’est que toutes les religions, ainsi que tous les partis nationalistes, sont des vestiges des antiques sociétés fermées, qui constituent des obstacles à la Démocratie…


Conclusion ?

    Autrefois j’aurais écrit un article plus militant, plus vindicatif. Mais avec l’âge, je suis devenu pragmatique. J’ai réalisé que le combat pour l’instruction des citoyens avait été perdu. Au siècle de la robotisation et des Intelligences Artificielles, une population éduquée n’est plus nécessaire pour produire des richesses. (Lire mon article sur le Tittytainment).

    J’ai vraiment été horrifié par le niveau de bêtise généralisée que l’on a pu mesurer lors de la pandémie de la COVID 19. Autrefois, les gens avaient honte de leur ignorance, à présent ils en sont fiers et ils la brandissent même comme un symbole de leur liberté vis-à-vis des institutions.

Distraire ceux qui sont devenus inutiles.

    J’aurais aimé finir cet article autrement. Je le voulais optimiste et j’ai quelques doutes… 😉

 

Post Scriptum :

    En faisant des recherches pour illustrer cet article, j'ai découvert un article intitulé "La médiocrité menace la démocratie" publié sur le site de l'Institut de Recherches économiques et Fiscales, rédigé par un monsieur portant le nom d'un paradis fiscal, . Il a écrit ce que l'on s'attendrait à lire sur le sujet. Vous pouvez vous faire une idée en cliquant sur l'image ci-dessous :


Je ne vous dit pas quoi penser. Je vous donne seulement de quoi penser.

Bertrand Tièche.


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