Mise à jour au 03/04/2023 :
J'ai écrit cet article il y a 11 ans, en février 2012.
J'étais à l'époque ingénieur dans un gros bureau d'étude. Je réalisais des
études de faisabilité concernant des projets relatifs à l'énergie, des études
prospectives à l'horizon 2030 pour les politiques énergétiques de très grosses
villes et j'avais déjà vu arriver tout le long de ma carrière l'utilisation de
nouvelles énergies. Curieusement, au début des années 2000, le bois
apparaissait comme une énergie nouvelle ! Je ne vendais jamais du rêve dans mes études. Par volonté d'être honnête, je faisais de nombreuses recherches avant de développer une solution. Je me souvenais des années 80, pendant lesquelles l'Agence Internationale pour l'Energie avait affirmé que le charbon était une énergie d'avenir...
J'ai fait alors pour le bois comme je faisais pour le reste, j'ai vérifié, vérifié, et averti...
Rien de ce que j'ai écrit dans cet article n'est devenu obsolète et mes avertissements se sont confirmés. Vous le découvrirez en le lisant, jusqu'à sa dernière mise à jour, en bas de page.
Voici l'article :
En préambule à cet article, je tiens tout d’abord à préciser que je soutiens à fond l’utilisation des énergies renouvelables.
Cela étant dit, je vais tenter de vous démontrer une fois de plus, en prenant l’exemple de la biomasse, à quel point les choses ne sont pas aussi simples que certains voudraient nous le laisser croire.
Je n’évoquerai d’ailleurs dans cet article, concernant l'utilisation de la biomasse, que celle du bois, mais sans langue de bois…
Effet d’annonce ?
Plusieurs sites « Renouvellement durable » ont annoncé cette semaine que 6 chaufferies « biomasse » seraient installées bientôt en Île de France, qui totaliseraient 27.600 kW de puissance installée et remplaceraient ainsi l’équivalent de 11.000 tep/an (1). Voir sur Smartplanet et sur L'énergie d'avancer.
La biomasse de ces projets n’est autre que du bois. Voilà bien une excellente nouvelle, est-on tenté de se dire ! Pour ceux qui ne connaissent pas le sujet, le chiffre de 27.6 MW peut même sembler impressionnant, mais l’est-il vraiment ? L’est-il vraiment lorsque l’on sait que la puissance moyenne installée d’une chaufferie de chauffage urbain est d’environ 100 MW ? Et surtout, que représentent ces 27.6 MW au regard des 160 MW prévus pour 2020 (et 90 MW dès 2015) par le Plan Climat de la communauté urbaine de Lyon, par exemple ?
Voir page 12 de ce document :
Vous commencez de le comprendre, ces 27.6 MW ne représentent pas grand-chose. Mais alors pourquoi ne pas remplacer partout le fuel, le gaz et le charbon par le bois énergie ? Je vais vous expliquer à présent pourquoi les choses ne sont pas aussi simples que cela.
Le bois pollue aussi ?
Brûler du bois pour se chauffer n’est pas vraiment une découverte récente, vous en conviendrez. Et la simple idée du feu de bois évoque en vous de douces pensées qui doivent remonter, via l’inconscient collectif, à la nuit des temps, lorsque serrés les uns contre les autres dans la froide caverne, le feu nous réchauffait et éloignait de nous les terribles prédateurs de la préhistoire. Aussi quelle bonne idée de brûler du bois dont la fumée sent si bon, à la place du fuel par exemple, qui sent si mauvais et qui pollue tant ! Hélas, si la fumée du bois sent si bon, c’est aussi à cause de la présence en son sein de composés organiques volatiles pas vraiment bons pour notre santé. Car le bois, comme tous les autres combustibles, dégage des polluants lors de sa combustion.
Rappel des polluants identifiés lors de la combustion du bois :
- CO le monoxyde de carbone,
- CO2 le dioxyde de carbone, principale cause de l'effet de serre après la vapeur d’eau (CO2 = 3.6% et H2O = 95% des GES),
- HC des hydrocarbures,
- COV des composés organiques volatils
- HAP des hydrocarbures aromatiques polycycliques
- NOx des oxydes d'azote (NO + NO2),
- des particules fines
- de nombreux produits irritants, comme :
- HCHO formaldéhyde (acide formique)
- CH3CHO acétaldéhyde (acide acétique)
- CH2CHCHO acroléine (acide acréolinique)
- C6H5CHO benzaldéhyde (acide benzénique)
De plus, parmi les composés chimiques émis lors de la combustion du bois, on compte 17 contaminants considérés comme prioritaires.14 sont reconnus comme potentiellement cancérigènes ou mutagènes, 4 sont co-cancérigènes 6 peuvent avoir des effets négatifs sur le système respiratoire.
En 2006, à l’occasion des 10 ans de la Loi sur l’air, M.Richert Vice-Président du Sénat et Président du Conseil National de l’Air, avait rédigé un rapport dans lequel il signalait certains des aspects négatifs de la combustion du bois. Voir extrait ci-dessous (page 78 du rapport) :
"La combustion du bois pollue, et représente souvent une part significative des émissions dans l’atmosphère pour certains paramètres : 22% des particules (39% pour les particules les plus fines, qui sont aussi les plus toxiques), 38% des hydrocarbures aromatiques polycycliques, 6% des dioxines…"
Il avait également indiqué que certains pays, comme la Suisse et le Canada, interdisaient même l’utilisation du bois pour le chauffage domestique, lors de périodes d’alertes à la pollution, principalement des alertes aux particules fines (voir p 78 et 79 du rapport)
Le rapport se trouve ici :
Pour information, la combustion du bois à Paris est strictement réglementée par un arrêté du 22 janvier 1997. Voir cette page :
L’intérêt du chauffage urbain.
Le chauffage urbain est constitué d’une ou plusieurs chaufferies de fortes puissances qui produisent de l’énergie sous forme d’eau chaude ou de vapeur, et de réseaux de tuyauteries enterrées sous les rues, qui distribuent cette chaleur aux immeubles qui y sont raccordés.
Dans chaque immeuble raccordé, se trouve ce que l’on appelle une sous-station, dans laquelle la chaleur est transférée au travers d’un échangeur aux équipements diffusant la chaleur aux usages (radiateurs, planchers chauffants, batteries d’air chaud, etc.). Cette sous-station remplace une chaufferie d’immeuble.
L’avantage de ces grosses chaufferies de réseaux de chaleur, c’est que ce sont des installations classées pour l’environnement (des ICPE), qui sont soumises à de sévères réglementations concernant leurs émissions, dont le respect est strictement contrôlé par les Préfectures au travers des services des DREALEs (les anciennes DRIREs). En proportion, une chaufferie de chauffage urbain pollue donc moins que les centaines ou milliers de petites chaufferies d’immeubles qu’elle remplace et qui ne sont, elles, soumises à aucune réglementation concernant leurs émissions.
Les chaufferies de chauffage urbain sont capables d’utiliser des combustibles très différents, mais toujours avec des contraintes environnementales très sévères, tels que : fuel lourd, gaz, charbon, ordures ménagères, bois, etc.
Bois plus propre dans le chauffage urbain
Il est donc préférable de brûler du bois dans une chaufferie de chauffage urbain, qui sera équipée de filtres et de traitements de fumées (injection d’urée pour la DeNox par exemple), que dans un chauffage domestique utilisant une chaudière à bois classique ou pire, un poêle !
Le miracle de la carbo-neutralité de la combustion du bois
Le réchauffement climatique, vous connaissez ? La forte augmentation des émissions de CO2 constatée depuis le début de l’ère industrielle a été diagnostiquée par le GIEC comme étant la cause majeure de l’augmentation de température causée par l’effet de serre. En effet, dès que l’on brûle quelque chose, on produit du CO2, et le CO2 est un Gaz à Effet de Serre (GES). Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on en brûle des trucs pour produire de l’énergie !
Pour vous donner une petite idée (et peut-être aussi relativiser), les émissions de CO2 de la Communauté Urbaine de Lyon (368.000 tonnes) représentent 0.0011% des émissions mondiales et 0.09% des émissions de la France (La France représentant 1.2% des émissions mondiales). Oserai-je ajouter que le CO2 représente 3.6% des Gaz à Effet de Serre ? Mais revenons plutôt à notre miracle.
Le bois lui aussi, produit du CO2 lors de sa combustion. Mais on considère que ce CO2 sera de nouveau stocké lors de la croissance des nouveaux arbres qui seront plantés. Voilà pourquoi le CO2 émis par la combustion du bois n’est pas pris en compte dans les quotas de CO2 attribués aux chaufferies des réseaux de chaleur.
Et voici le genre d'illustrations du "miracle" que l'on peut trouver encore dans certaines études de faisabilité. Celui-ci provient du portail du bois énergie : ITEBE (très bien pour ses infos).
Vous avez dit Quotas de CO2 ?
Les quotas de CO2 sont des quantités de CO2, attribuées à chaque chaufferie de réseau de chaleur par les préfectures, au travers d’un plan appelé Plan National d’Attribution des Quotas (PNAQ). C’est un outil formidable pour réduire les émissions de CO2, car chaque version du PNAQa vocation à attribuer toujours moins de CO2, et les chaufferies des réseaux de chaleurs sont obligées soit d’abandonner certains combustibles (comme le charbon ou le fuel), soit de s’équiper de traitements de fumées plus performants, et le plus souvent les deux à la fois.
Il s’agit en fait d’une taxe carbone, mais qui ne s’applique qu’aux seuls réseaux de chaleur.
Taxe carbone injuste ?
Les usagers des réseaux de chaleurs sont en effets les seuls à participer aussi coûteusement à la sainte croisade contre le CO2, car ce sont eux qui, au final, paient au travers de leurs factures, les onéreux travaux de « mise en conformité environnementales » imposés par les préfectures au travers d’arrêtés d’autorisations d’exploiter toujours plus contraignants. Les gens qui sont chauffés par un chauffage central ordinaire à peine entretenu et bien polluant, sont exempts de cette taxe CO2.
Quand se sont les gens aux revenus les plus modestes qui luttent le plus contre le réchauffement climatique !
Ce système d’attribution de quotas de CO2 appliqué aux chaufferies des réseaux de chaleur devient vraiment choquant, lorsque l’on s’inquiète de savoir qui sont en majorité, les usagers de ces réseaux de chaleur. Ce disant, je ne pense pas à ceux raccordés aux réseaux de chaleur de villes comme Paris ou Lyon (encore que).
Je pense plutôt aux gens qui sont alimentés par les nombreux réseaux de chaleurs construits dans les années 70 pour chauffer ce que l’on appelait à l’époque des villes nouvelles et que l’on appelle à présent les « banlieues » ou les « quartiers ». Ces gens sont la plupart du temps des gens à revenus modestes (quand ils ont des revenus), et beaucoup se trouvent dans des situations très critiques.
De plus en plus de gens habitant ces quartiers alimentés par des réseaux de chaleurs, ne peuvent plus payer leur loyer à cause de l’augmentation de la charge attribuée au chauffage. Environ 3.500.000 personnes en France se trouvent en situation de précarité énergétique ! Et que payent les abonnés de ces réseaux dans leurs charges de chauffage ? Une nouvelle chaudière biomasse destinée à remplacer une chaudière brûlant du fuel ou du gaz, et/ou de couteux traitements de fumées.
Fort heureusement, l’utilisation du bois présente des avantages économiques qui contrebalancent la plupart du temps positivement le coût des investissements (mais pas tout le temps). Le MWh produit par du bois coûte bien moins cher que le MWh produit par du gaz ou du fuel, et son prix bénéficie d’une TVA réduite de 5.5% lorsque sur le bois représente plus de 50% de l’énergie produisant la chaleur sur le réseau.
Subventionner des passoires thermiques ?
Dans le cadre du Grenelle Environnement, le gouvernement a créé ce que l’on appelle le fonds chaleur, afin de subventionner la production de chaleur à partir des énergies renouvelables (biomasse, géothermie, solaire thermique …). Il est destiné à l'habitat collectif, aux collectivités et à toutes les entreprises (agriculture, industrie, tertiaire). La gestion de ce fonds qui représente 1,2 milliard d'euros sur 5 ans, a été confiée à l’ADEME. Le Fonds Chaleur contribue aux objectifs du Paquet européen climat-énergie qui consistent à porter la part des EnR à 23% de la consommation énergétique nationale d’ici 2020.
La plupart de ces créations de chaufferies biomasses ont bénéficié de ces subventions, ce qui est une excellente chose. On peut néanmoins se demander s’il était vraiment si judicieux d’investir de telles sommes pour chauffer les types de bâtiments énergivores mal construits à l’époque de la création de ces « villes nouvelles », ce que l’on appelle dans la profession des passoires thermiques…
D’un côté les bailleurs sociaux ou les copropriétaires de ces immeubles rencontrent les pires difficultés pour financer des réhabilitations thermiques, et de l’autre l’argent « pleut » pour financer ces projets biomasse…
Les conditions d’attribution de ces subventions du fonds chaleur se sont un peu plus renforcées (obligation de réaliser un schéma directeur par exemple), mais la question se pose toujours de savoir s’il ne serait pas plus pertinent d’économiser d’abord la consommation d’énergie à la source en isolant mieux, que de donner la priorité à une énergie plus vertueuse.
De quel côté mettre l’argent ? Subventionner des travaux d’isolation qui peuvent être réalisés par n’importe quel petit artisan consciencieux du bâtiment ? Ou subventionner des installations complexes réalisées par des entreprises faisant partie de « grands groupes » qui bien souvent exploitent ces réseaux ?
Mais je crains que mon article ne prenne une tournure trop polémique (car il n’est pas terminé) si je développe plus ce point.
Lorsque les préfectures commencent à tousser…
Comme je l’ai expliqué plus haut, les préfectures ont mis la pression ces dernières années sur les chaufferies des réseaux de chaleur, pour réduire au maximum leurs émissions polluantes (principalement le SO2, le CO2 et les NOx). Des chaudières fonctionnant au charbon ou au fuel ont été démolies et de belles chaufferies biomasse ont été construites. Des sommes importantes ont été investies. Oui mais voilà…
Oui mais voilà, le bois émet malgré tout des polluants, et voici que les services des DREALEs commencent à s’en inquiéter. C’est ainsi que certaines préfectures commencent à adresser des courriers aux exploitants de chaufferies de réseaux de chaleur, pour leur demander d’arrêter la biomasse et de donner la priorité au gaz, pendant les périodes d’alertes de pollutions aux particules fines !
Il existerait même actuellement un projet de durcissement des valeurs d’émissions, dans le cadre du nouveau PNSE 2. Un projet de réglementation circule actuellement sur lequel sont visées les principales chaufferies bois de la région parisienne. Parmi les polluants visés, figure le benzène, dont les valeurs se limiteraient en quantités annuelles.
Voir plan particules de Novembre 2011 :
Des chaufferies dans lesquelles la biomasse est devenue l’énergie principale risquent de se voir obligées de revenir au gaz. A moins bien sûr qu’on leur demande de s’équiper de traitements de fumées encore plus performants et couteux, du niveau de ceux qui équipent les usines d’incinération ?!
Politiquement correct ?
Malgré toutes ces considérations, il ne faut pas perdre de vue que le passage progressif aux énergies renouvelables est indispensable. Il s’inscrit dans la perspective de l’épuisement des énergies fossiles et de la hausse inéluctable du coût de celles-ci.
Les politiques les plus avisés l’ont déjà compris et ils ont raison, comme c’est le cas à Lyon par exemple, de donner des objectifs ambitieux dans le cadre de leurs plans climat. Mais il faut savoir « raison garder » comme disait un ancien président. Il faut peut-être se poser parfois quelques questions, ne serait-ce que pour ne pas céder trop facilement aux incitations de nouveaux lobbies.
La logique des ENR n’est pas celle des énergies fossiles
La biomasse ne pourra pas remplacer systématiquement tous les combustibles utilisés jusqu’alors pour le chauffage. La logique des énergies renouvelables est celle du partage, du maillage, de la complémentarité. Elle se marie mal avec la logique monopolistique qui prévaut généralement dans l’ancien monde des énergies fossiles.
On pourrait craindre en effet, que le « savoir-faire » mis en avant par certains industriels qui faisaient autrefois du « fossile », ait un effet négatif sur le développement et l’utilisation des énergies renouvelables.
Est-il judicieux de faire de l’électricité avec du bois ?
Ceux qui s’intéressent au sujet, on constaté les mentions de plus en plus fréquentes dans les médias spécialisés, de projets de cogénération biomasse ou de gazéification du bois.
La cogénération consiste à produire de la chaleur et de l’électricité dans la même installation à partir du même combustible.
Elle a connu ses premières heures de gloire dans les années 90, lorsque la loi a permis à des opérateurs privés de produire de l’électricité et de la revendre à EDF. Le procédé est simple, on utilise une turbine ou un moteur fonctionnant au gaz (par exemple) pour produire de l’électricité par le biais d’un alternateur, et on récupère la chaleur des fumées pour la transférer à un réseau de chaleur (par exemple). L’électricité est ainsi produite avec un rendement excellent, bien meilleur que dans une centrale thermique d’EDF par exemple ou la chaleur est perdue.
La gazéification consiste à produire un gaz naturel de synthèse (GNS) à partir du bois qui puisse être utilisé comme un carburant, compatible par exemple avec le gaz classique de réseau (GN).
Ces procédés sont indiscutablement efficaces et peuvent être de bonnes solutions. Voici pour vous donner une idée une liste de quelques projets de cogénérations biomasse.
Jetez cependant un œil sur les quantités annuelles de bois qui seront consommées…
Les quantités de bois sont impressionnantes. Il conviendra également de prendre en compte le moyen de livraison du bois. Une chaufferie biomasse de 20 MW (2) brûlant un mélange de plaquette forestière et de produit d’élagage déchiqueté (3) consommera chaque jour environ 178 tonnes de bois, qui seront livrés chaque jour par 6 camions de 90m3…
Un exemple aberrant !
GDF SUEZ et sa filiale Electrabel ont inauguré le 23 septembre 2011 leur centrale électrique de Rodenhuize, une centrale à charbon rénovée pour consommer du granulé de bois. Lancé en 2009, le chantier a consommé 125 millions d’euros pour cette conversion rendue intéressante pour le système de rémunération belge de l’électricité verte, les certificats verts.
D’une puissance de 180 MWth, Rodenhuize produira chaque année un volume d’électricité verte équivalant à la consommation annuelle de 320 000 familles (320 000 MWh) et permettra de réduire de 1,2 million de tonnes les émissions annuelles de CO₂. On croit rêver, mais le pire est à venir.
En effet, il ne s’agit pas d’une cogénération, mais d’une centrale électrique classique, c’est à dire sans récupération ni valorisation de la chaleur, et où seulement 30% de l’énergie produite par l’installation va être valorisé en énergie, tout le reste sera perdu !
Et voici la cerise sur le gâteau. Un tiers de l’approvisionnement en granulés proviendra de Pacific BioEnergy au Canada avec qui Electrabel a conclu un contrat d’achat à long terme de 225 000 tonnes de biomasse par an, acheminée par bateau jusqu’au port de Gand.
Y aura-t-il assez de bois en France ?
Cette question n’est donc pas une simple provocation. Nombre d’études officielles ou pas, circulent ces dernières années, qui vantent le patrimoine forestier français et l’impressionnante taille de son gisement biomasse. Les mêmes études évoquent cependant son morcellement en une multitude de propriétaires, ainsi que l’insuffisance de la filière bois pour collecter, préparer, stocker et livrer le bois.
A l’occasion d’une étude faisabilité que je réalisais il y a peu pour une chaufferie bois, le responsable d’une importante filière de bois-énergie, à qui je posais la question de l’évolution du prix de MWh bois, me répondit qu’à l’approche du seuil de 25 € du MWh, celui-ci entrerait en concurrence avec le bois venant du Canada ! (J'ai hélas pu constater depuis, que ce prix "limite" pouvait être largement dépassé, lorsque le bois était fourni par une filiale de l'exploitant de la chaufferie...).
Pourra-t-on encore parler de développement durable lorsqu’on utilisera du bois du Canada ?
Peut-être pourrait-on même s’inquiéter comme l’a fait Greenpeace, dans son très dérangeant rapport « Biomasse, biomascarade », de savoir comment est extrait de la forêt boréale canadienne ce bois dont on fait les pellets qui sont exportés en Europe ? On ne parle plus vraiment de gestion durable de la forêt, c’est le moins que l’on puisse dire.
Les fâcheux iconoclastes de Greenpeace vont même jusqu’à contester la fameuse carboneutralité de la combustion du bois, arguant du fait que les arbres de la forêt boréale canadienne mettent de 100 à 150 ans à parvenir à la taille qu’ils avaient lorsqu’ils ont été abattus (on est loin en effet des cycles pris en compte dans les modélisations des Gaz à Effet de Serre).
Faites-vous une idée en lisant le rapport :
Plus récemment, le site américain de la National Wildlife Federation a fait part d’une étude réalisée par l’institut des forêts du sud-est des États-Unis qui estime que dans le long terme, la combustion du bois au lieu de combustibles fossiles pour produire de l'électricité permettra effectivement de réduire le dioxyde de carbone, mais pas assez tôt cependant pour prévenir l'aggravation des conditions conduisant à un changement climatique global…
Vous trouvez que j’exagère ? Peut-on vraiment imaginer que l’on puisse manquer un jour de bois, comme c’est arrivé sur l’île de Pâques ?
Le 24 janvier dernier, la rubrique Science et Environnement du site de la BBC a évoqué dans un article une étude publiée par une équipe de chercheurs qui explique que les pratiques actuelles de coupes de bois tropicaux ne sont pas durables et que devrait être pris en compte un risque de pic de production du bois. Ces chercheurs affirment que le cycle de coupe standard de 30-40 ans est trop court pour permettre aux arbres de se développer jusqu’au volume requis par le marché du bois.
En conséquence, ajoutent-ils, si ce mode d’exploitation continue, il ne fera qu’empirer la déforestation en cours.
Conclusion ?
Utiliser la biomasse du bois pour produire de l’énergie, c’est effectivement une bonne idée.
Mais pas n’importe quel bois, pas n’importe comment et pas pour faire n’importe quoi.
Nous devons cependant prendre garde à ne pas reproduire avec ces énergies, des logiques qui nous ont mené à des impasses sous le règne des énergies fossiles qui bientôt s’achèvera. Et ça, ce ne sera pas facile...
Bertrand Tièche
(Créateur de Transitio, mais aussi accessoirement ingénieur thermicien dans un gros bureau d'études, chef de projet sur des opérations de biomasse)
(1) 1 tep : tonne équivalent pétrole = 11 630 kWh
(2) La puissance thermique est définie comme la quantité maximale de combustible exprimée en PCI de combustible consommé
(3) PCI = 2.7 MW/tonne, 30 à 40% d'humidité sur poids brut, masse volumique 330kg/m3
Mise à jour du 1er octobre 2012 :
Mise à jour du 16 novembre 2012 :
Encore quelques liens utiles ?
Cet article récent de l'ADEME, pour une meilleure mobilisation des ressources en bois :
Cet article de l'Agence International pour l'Energie concernant l'avenir de la bioénergie :
Et puis ceux-ci, trouvés sur des sites américains, à propos d'installations biomasse de grandes puissances (en anglais bien sûr) :
Et pourquoi pas une petite pétition à signer contre le déboisement intensif en Amazonie ?
Un rapport de l’UNEP (United Nations Environnement Programme) met en lumière plus de 30 moyens de produire et de blanchir du bois coupé illégalement, ce qui compromet la sécurité, la lutte contre le changement climatique et le développement durable.
Mise à jour au 03/04/2023 :
J'ai vu passer ce jour cet article qui évoque la prochaine interdiction de certaines formes de chauffage au bois... Cliquez sur l'image :
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