lundi 9 avril 2012

La fusion thermonucléaire : un défi, mais que de bluff !



    Un ami m’a fait découvrir aujourd’hui un article du journal The Economist à propos du nucléaire, intitulé : « Nuclear power, The dream that failed ». (Eh bien oui, il n’y a plus qu’en France que l’on croit que le nucléaire a un avenir !).

    L’article se terminait par une illustration que j’avais aussi utilisée pour un article sur le mirage de la fusion, publié sur l’ancien site de la commission énergie d’EELV.

    L’idée m’est donc venue de republier cet article sur la fusion et par la même de vous faire découvrir l’article de The Economist.

Voici le lien vers l’article de The Economist : http://www.economist.com/node/21549936



Voici l’article sur la fusion (Vous découvrirez l’illustration en bas de la page).


    Les ardents défenseurs du nucléaire promettent la fusion nucléaire comme l'ultime et miraculeuse solution.

    Afin de ne pas vous laisser dans la confusion, nous reproduisons ici cet article du physicien nucléaire Raymond Sené retrouvé sur le site www.constructif.fr


La fusion thermonucléaire : un défi, mais que de bluff !


    Regard critique sur le projet ITER, les lenteurs de la recherche en matière de fusion, les risques de sa technologie et ses perspectives quantitatives limitées à court et moyen termes...

    La fusion thermonucléaire fait partie des sujets de rêve qui hantent les scientifiques : reproduire ce qui se passe dans le soleil, dans les étoiles. Dans un premier temps, comme pour beaucoup de sujets de recherches et de grandes découvertes, c’est l’aspect militaire qui a prévalu. Pour l’énergie libérée par la fission des noyaux, nous avons eu la bombe atomique, puis la motorisation navale militaire avant d’envisager un usage de production d’énergie « civile ». La fusion thermonucléaire a tout naturellement commencé à gagner ses titres de « noblesse » grâce aux bombes thermonucléaires, utilisant d’ailleurs comme amorce une bombe à fission. Puis, afin de valoriser leur savoir-faire et le rendre plus sympathique, les scientifiques ont proposé de domestiquer ce processus et de le donner à la société civile.

    Des milliards avaient été engloutis pour les bombes, autant essayer de les rentabiliser dans des applications plus pacifiques. Mais ces applications peinent à voir le jour et, surtout, demandent aussi des budgets colossaux. C’est pourquoi les responsables de ce secteur de recherche annoncent tous les cinq ans, depuis environ cinquante ans, que dans cinq ans cela marchera, que nous disposerons d’une source d’énergie illimitée, et quasi gratuite. De fait, les progrès sur la voie de la fusion entretenue sont très lents, si ce n’est peu significatif. Cette recherche fait plus penser à un miroir aux alouettes qu’à une réalité.


Une définition de la fusion

    Pour faciliter la compréhension des problèmes, faisons un peu de technique.
La fusion, à l’inverse de la fission consistant à casser des « gros noyaux » (uranium, plutonium), est l’opération où deux atomes légers se rapprochent suffisamment pour en donner un plus gros (la somme des masses des produits finaux de la réaction étant plus faible que la somme des masses des produits initiaux, la différence est convertie en énergie).

    Depuis longtemps (environ soixante ans), les physiciens nucléaires savent faire « à l’unité » ces réactions (deutérium + tritium ou deutérium + deutérium).

    Mais pour que cette opération de rapprochement présente un quelconque intérêt, il faut qu’elle satisfasse des conditions très particulières : réunir un très grand nombre d’atomes (la densité), les faire se cogner l’un contre l’autre avec la plus grande vitesse possible (la température) et ce, pendant un temps le plus long possible (le temps de confinement). Avec ces trois paramètres a été défini un critère, le critère de Lawson, qui doit indiquer à partir de quand le système est censé fonctionner.
Pour présenter un intérêt sur le plan énergétique, au moins deux conditions subsidiaires sont nécessaires :
    • le processus doit produire plus d’énergie qu’il n’en consomme,
    • le prix de revient de l’énergie produite doit être « raisonnable.
    Et que signifie fonctionner ? Qu’appelle- t-on énergie produite ? L’énergie libérée par réaction multipliée par le nombre de réactions ou l’énergie envoyée sur la ligne électrique, déduction faite de la consommation de la machine et de tous ses accessoires ?

    Dans le soleil en particulier, et les étoiles en général, le confinement du plasma est assuré par les forces de gravitation. Dans notre « petite installation terrestre », ce confinement va être obtenu par de très puissants champs magnétiques. Le paradoxe est que plus la température du plasma est élevée, c’est-à-dire plus les divers constituants vont vite, plus ils perdent d’énergie par rayonnement en tournant dans le tore. De plus, il faut avoir à l’esprit que ce sont les produits de la réaction, un neutron et un noyau d’hélium, qui emportent l’énergie libérée. Le noyau d’hélium (particule alpha) est piégé dans le champ magnétique, donc reste dans l’enceinte. Seule l’énergie emportée par le neutron pourra être partiellement récupérée à l’extérieur.


Quelques mensonges

    À ce niveau apparaissent deux petits « détails » permettant de faire comprendre les principaux mensonges concernant la fusion : elle utiliserait un combustible quasi illimité qui se trouve dans l’eau de mer et elle serait propre au point de vue radioactif :

    Le premier, et non le moindre, est qu’il faut non seulement du deutérium, l’isotope de masse 2 de l’hydrogène, mais aussi du tritium, son isotope de masse 3, radioactif de surcroît. S’il est possible d’extraire le deutérium de l’eau de mer (à quel coût énergétique ?), par contre le tritium (temps de vie 12,26 ans) se trouve en très faible quantité dans la nature, d’où la nécessité d’en fabriquer en grandes quantités en faisant réagir les neutrons avec le fluide caloporteur, du lithium en l’occurrence. Tritium qu’il faudra extraire, stocker avant de l’injecter dans l’enceinte en fonction des besoins.

    Pour un réacteur de 1000 MW, 15 à 20 kg de tritium seront nécessaires pour 2000 à 3000 heures de fonctionnement (20 kg de tritium représentent une activité de 200 millions de curies soit 7,4.1018 Bq, des milliards de milliards de Bq). L’installation sera donc contaminée par le tritium, car ce radioélément, tout comme l’hydrogène dont il a les mêmes propriétés physico- chimiques, diffuse facilement à travers les métaux. En conséquence, le tritium suintera du réacteur et ce corps n’est pas du tout inoffensif pour la santé, contrairement aux affirmations traditionnelles.

    Le second est que les neutrons doivent traverser la structure de la chambre de combustion pour que l’on parvienne à récupérer de l’énergie. Ces neutrons activeront les matériaux, créant de très importantes quantités de radioéléments de période plus ou moins longue. En ce qui concerne la radioactivité, ces réacteurs, si un jour ils fonctionnent, n’auront rien à envier aux réacteurs à fission.
De plus, chaque année une portion de l’enceinte, circuits magnétiques compris, devra être changée en raison de l’usure très rapide (plusieurs centimètres par an) de sa paroi intérieure et constituera un volume important de déchets de très haute activité, de durée de vie plus ou moins longue.
    
En résumé, ce type de réacteur, présenté par ses promoteurs comme écologique (!), sans déchets radioactifs (pas de « cendres » contenant des produits de fission) va produire une nuisance radioactive au moins égale, si ce n’est plus importante, que celle des réacteurs actuels.


Une description futuriste

    Il faut être conscient qu’il s’agit de la description futuriste d’un réacteur. Car pour le moment les machines existantes ou à venir (JET, TORE SUPRA et ITER) ne sont pas des réacteurs : ce sont des outils de recherche. Le tritium n’a jamais été injecté dans ces appareils de recherche sauf dans le JET, au dernier moment, juste avant de l’arrêter définitivement. La raison en est la radio-activité. Dans l’état actuel des recherches, de nombreuses interventions avec accès dans la machine sont indispensables pour changer des paramètres, modifier des géométries ou réparer des dégâts occasionnés par les pertes de confinement. Il est en effet impossible de faire ces interventions dans un appareil où du tritium aurait été injecté sans avoir recours à des outils robotisés, ce qui serait un frein, voire conduirait à des impossibilités pour les programmes de recherche, certains définis à ce jour, d’autres devenant impératifs au gré de l’apparition de nouveaux effets imprévus et imprévisibles.

    C’est pourquoi ces machines destinées à essayer de se rapprocher des conditions optimales de plasma, fonctionnent uniquement avec un mélange deutérium-deutérium qui, dans les conditions actuelles, est largement en dessous des conditions de fusion.

    ITER, comme ses prédécesseurs, est toujours un outil de recherche, pas un réacteur destiné à fournir de l’électricité.


Où en sont les fameuses recherches ?

    Régulièrement et, bien sûr, au moment où vont se décider les lignes budgétaires, la presse fait écho à l’annonce de percées technologiques sur un paramètre essentiel : la densité ou la température ou le temps de confinement. Mais les chercheurs oublient de préciser que ce record a été obtenu au détriment des autres paramètres. Ce type d’annonce à sensation se fait depuis cinquante ans : il est à craindre que la fusion soit surtout un prétexte pour obtenir des crédits et que la recherche effectuée y soit essentiellement celle desdits crédits.
Aujourd’hui, les responsables du projet au Commissariat à l’énergie atomique assurent que la plupart des briques technologiques ont été validées sur diverses petites machines, estimant que les risques technologiques se limitent à l’intégration de toutes ces briques. Leur enthousiasme aurait dû être modéré par la lecture d’un rapport présenté devant l’Académie des sciences, à la fin 2001, par leur ancien haut-commissaire, Robert Dautray (1). Il explique que la fission a pu se développer grâce à "la linéarité des phénomènes " car "tous les problèmes scientifiques et techniques sont découplés par la linéarité et peuvent être étudiés à part et simultanément dans des installations modestes". Mais "la fusion thermonucléaire, au contraire, est un phénomène fondamentalement non-linéaire, et ceci vis-à-vis de toutes les fonctions physiques en jeu... Il faut donc explorer les uns après les autres tous les niveaux de puissance, y découvrir de nouveaux phénomènes..."

    Sa conclusion est « ...pour le moment la fusion thermonucléaire ne peut pas encore être comptée avec certitude parmi les sources industrielles d’énergie (...) n’est-ce pas plutôt un sujet d’étude de physique important auquel il faut assurer un soutien constant, persévérant et à long terme, comme on le fait dans bien d’autres domaines de la physique dans le cadre général des recherches ».

    Les « briques technologiques » ont certes été testées, mais leur assemblage n’a rien d’évident. En effet, les petites anomalies peuvent s’avérer fort difficiles à surmonter et ces difficultés expliquent les faibles progrès réalisés en cinquante ans.

    Pour un physicien c’est un sujet de recherche passionnant, mais il faut raison garder. Ce n’est pas demain que ce processus physique va contribuer au bilan énergétique de l’humanité.

De fait, la fusion existe dans le soleil, mais il s’agit là d’un confinement gravitationnel, et à moins de construire une machine de la taille du soleil... il nous faut trouver autre chose, d’où la complexité du problème.

    Il n’est pas honnête de faire croire, par médias interposés, qu’il suffit de construire « la nouvelle » machine pour aboutir. Nous avons eu droit aux mêmes discours avant le lancement du JET (Joint European Torus, à Culham, Royaume-Uni), puis de TORE-SUPRA (Cadarache). Aujourd’hui il s’agit d’ITER (2).

    En matière de fusion thermonucléaire, il n’y a pas urgence sauf celle de faire un réel bilan des recherches menées depuis plus de quarante ans. Il n’est pas sain d’immobiliser sur un sujet, pour de nombreuses années, des budgets représentant une part importante des disponibilités du pays en matière de recherche. Car n’oublions pas qu’ITER s’inscrit dans un programme international et qu’il nous sera difficile de ne pas tenir nos engagements vis-à-vis des autres participants si des restrictions budgétaires comme celles que la recherche connaît depuis plusieurs années devaient perdurer. Ce sont tous les autres secteurs de recherche, y compris dans le domaine des énergies, qui seraient asséchés.

    En tout état de cause, investir massivement dans un programme d’économies d’énergie par la mise en œuvre de procédés industriels moins « énergivores » et d’utilisations rationnelles et pertinentes de toutes les sources actuellement disponibles est une nécessité si l’on ne veut pas épuiser nos ressources.


(1 ) L'énergie nucléaire civile dans le cadre temporel des changements climatiques, Rapport de l'Académie des sciences, Robert Dautray. décembre 2001.

(2) CEA, Rapport annuel 2002 (voir également www.cea.fr)

 



    Pour finir sur une note d'humour, nous vous offrons cette image qui reproduit la couverture d'un magazine américain des années 30, sur laquelle est représentée une centrale atomique (comme on disait à l'époque).

    La légende explique que d'ici une cinquantaine d'année des centrales comme celle-ci seront en mesure de produire une énergie atomique illimitée. Cela fait donc plus de 70 ans que l'on nous dit que l'énergie nucléaire sure et abondante sera l'énergie du futur !

Certains esprits malicieux disent qu'elle restera une énergie du futur,...à jamais !






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