Transitio, comme beaucoup d’autres, s'était réjoui trop vite de la fin du nucléaire au Japon (ne pas prendre ses désirs pour des réalités).
Peut-être avez-vous entendu parler du résultat des élections de décembre au Japon ? Les Japonais ont choisi de remettre au gouvernement les responsables de la crise et de virer ceux qui n’ont pu la résoudre…
Avec ce retour des conservateurs, il y a fort à parier que le nucléaire ne tardera pas à refaire surface. Un passionnant article du site novethic.fr nous donne un désespérant aperçu de ce sinistre retour du nucléaire japonais. Peut-être ne parviendra-t-il pas à reprendre une place prépondérante au niveau de la production d’électricité sur le territoire japonais. Mais cela n’empêchera pas cette fatale industrie d’exporter son "savoir-faire" vers des pays en voie de développement, ni même de franchir tôt ou tard le suprême interdit, le "Rubicon japonais", à savoir la fabrication d’armes nucléaires !
Vous trouverez ci-dessous la copie de cet article de Clara Delpas publié sur le site de Novethic.
Mais je vous invite sincèrement à le lire plutôt sur le site de Novethic, par respect pour le travail de cette journaliste : Les conséquences inattendues de Fukushima
Le 14 septembre, le gouvernement japonais a annoncé au monde entier l'arrêt du nucléaire civil d'ici la fin des années 2030, mais il ne renonce pas à la construction de nouveaux réacteurs, ni à la production de plutonium. Il pourrait également utiliser le nucléaire à des fins militaires.Critiqué pour ses mensonges et son incapacité à gérer correctement les migrations de populations consécutives à l’accident de Fukushima, le gouvernement japonais semble avoir tenu compte des manifestants, qui, tous les vendredis, depuis mars 2012, se réunissaient devant le Parlement, grossissant leur nombre de 300 au début, à plus de 100 000 fin juillet... En partie seulement, car pour tous ces citoyens qui demandaient l’arrêt immédiat des centrales, 2039 reste une perspective lointaine. Et, d’ici là le développement des énergies renouvelables devrait s’intégrer dans un mix énergétique autorisant la reprise d’activité de certains réacteurs : pour l’heure seuls 2 d’entre eux ont été redémarrés sur les 50 que comptent désormais le pays. D’ailleurs, le ministre japonais de l’industrie et de la Technologie a confirmé, dès le 15 septembre, la poursuite de la construction de deux réacteurs nucléaires.Au cours d’une rencontre informelle avec la presse française, le 17 septembre, à l’IDDRI, des chercheurs japonais du programme DEVAST (Disaster Evacuation and Risk Perception in Democracies)* ont rappelé “le poids (trop) important de l’industrie nucléaire au Japon”. « Les municipalités dépendent du financement des industriels du nucléaire. Celle de Fukushima par exemple a autorisé l’implantation de la centrale dans une zone qu’elle savait être à risque sismique et de tsunami » a précisé le professeur Shunji Matsuoka, de l’Université de Waseda. Il a également rappelé le contexte politique particulier du moment : la tenue des prochaines élections en janvier 2013 dans le pays et le besoin pour le DPJ, parti de droite actuellement au pouvoir, de regagner des électeurs…Or les Japonais veulent sortir du nucléaire à 70%. L’industrie nucléaire japonaise a cependant plus d’une corde à son arc.
Les nouveaux débouchés de l’industrie nucléaire civile
Car le Japon exporte des centrales nucléaires vers des pays en voie de développement (Vietnam, Indonésie, Philippines, Turquie, Lituanie), y compris dans des zones à risques sismiques similaires à celles de Fukushima. “Aux Philippines, les constructeurs japonais réhabilitent l’ancienne centrale nucléaire de Bataan, construite durant les années 1970 par Westinghouse, dans une zone fortement sismique qui jouxte le Mont Pinatubo. Au Vietnam, ils vont construire la première tranche du site de Ninh Thuan, situé au bord de la mer de Chine, dans une région côtière particulièrement exposée aux inondations, aux typhons et à des raz-de-marée ayant déjà atteint des hauteurs de 18 mètres” précise Thierry Ribault, économiste à la Maison franco-japonaise, menant un projet de recherche dans le cadre du programme NEEDS (“Nucléaire : Énergie, Environnement, Déchets et Société »)** .
Le Japon négocie actuellement avec le Brésil, l’Inde, l’Afrique du Sud et le Mexique. Et un accord a été passé avec les États-Unis pour y installer la première centrale nucléaire depuis 34 ans. Tirant eux aussi leurs leçons de Fukushima, les industriels sont parvenus à transformer la gestion du désastre en argument commercial. Le Japon peut ainsi se présenter désormais comme expert en catastrophe, et vendre, en plus de ses centrales, des plans de compensation pour les victimes éventuelles d’accidents nucléaires ! L’accord signé avec le Vietnam rappelle même à ce propos « qu’il est un devoir (pour le Japon) de partager au monde les expériences et les leçons de l’accident nucléaire de Fukushima ».Par ailleurs, le Japon détient 157 tonnes de plutonium, dont une centaine sur les sites de ses centrales nucléaires, le reste étant parti dans les centres de retraitement : sur les 45 tonnes de plutonium séparé que possède le Japon (prêt à être utilisé soit comme nouveau combustible une fois réenrichi, soit dans la fabrication du MOX, soit dans celle des armes nucléaires), 17 tonnes sont au Royaume Uni, 18 tonnes en France, et 10 tonnes au Japon. Or le 1er juin, des officiels de l’industrie nucléaire japonaise ont annoncé vouloir dans les prochains mois produire une demi-tonne de plutonium supplémentaire. Commentaire du professeur Frank von Hippel de l’Université de Princeton, une autorité mondiale en matière de non-prolifération nucléaire : « C’est de la folie, il n’y a aucune raison de faire cela ». Si ce n’est de vouloir légitimer l’existence du site de Rokkasho, dans le Nord du Japon. Ce dernier, monté en partenariat il y a 20 ans avec Areva, n’a pour l’instant pas fonctionné plus de deux mois. « Et coûterait trop cher à démanteler, précise Thierry Ribault. Or à pleine capacité, le site peut produire chaque année 8 tonnes de plutonium. De quoi faire 1000 bombes atomiques. » Et devenir exportateur d’armes.
Vers la bombe atomique japonaise ?
Que le Japon se mette à fabriquer des armes nucléaires reste pour l’heure impossible. Mais des évolutions très récentes le laissent envisager : le 15 juin, un amendement passé quasiment inaperçu a été apporté à la loi fondamentale japonaise sur l’énergie atomique, qui stipule que la recherche et l’utilisation de cette énergie ne peuvent être menées qu’à des fins pacifiques et dans le but de défendre des principes de démocratie, d’indépendance et de transparence. L’amendement établit désormais que « la politique nucléaire du Japon doit contribuer à la sécurité nationale ». Le développement d’un arsenal nucléaire pour la défense du pays n’est cependant pas à l’ordre du jour, cet amendement ayant été présenté comme un moyen « de rassembler tout ce qui concerne le nucléaire sous la même loi : la sûreté nucléaire, le contrôle des garanties de l’AIEA (Agence Internationale pour l’Energie Atomique) visant à empêcher l’utilisation militaire de matériaux nucléaires et la sécurité nucléaire contre le terrorisme. »
Il ne manquerait cependant plus que l’article 9 de la constitution nationale soit assoupli pour que l’armement nucléaire japonais ait les coudées franches : l’article 9 établit en effet que le Japon doit renoncer à la guerre comme mode de règlement des conflits internationaux. « Cette révision semble tout à fait plausible », pronostique Thierry Ribault, « au vu de récents sondages d’opinion qui révèlent que 56% des opinions y sont favorables (contre 47% en 2009) … ». Ce nouveau cadre législatif pourrait alors inspirer la Corée du Sud à revendiquer elle-aussi sa souveraineté nucléaire, ce qu’elle réclame d’ailleurs implicitement dans le cadre de son accord de coopération avec les Etats-Unis qu’elle renouvellera en 2014. Et entraîner une course à l’armement dans la zone asiatique, où les tensions politiques sont actuellement très nombreuses. « Des perspectives pour le moins inquiétantes, souligne Thierry Ribault, mais qui révèlent aussi que le désastre de Fukushima porte les conséquences les plus inattendues. »
* DEVAST (Disaster Evacuation and Risk Perception in Democracies) est un programme soutenu par l’ANR (Agence Nationale de la Recherche) et la JSTA (Japan Science and Technological Agency). Il porte sur l’évolution de la perception du risque dans la démocratie.** NEEDS (Nucléaire : Énergie, Environnement, Déchets et Société) est une mission pluridisciplinaire lancé au sein du CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique) début 2012 pour une durée de 5 ans. L’une des thématiques porte « Fukushima : un an après »
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