Article mis à jour le 24 octobre 2014
(Si ce titre vous choque lisez le nota en bas de page) 😉
Vous aimez les films d’anticipation dans lesquels on vous montre des paysages désolés de fin du monde ? Les photos de la zone interdite de Tchernobyl vous donnent le frisson ? Villes abandonnées, maisons aux fenêtres crevées et toits effondrés, ouvrages d’art en ruines, voies ferrées envahies par la végétation, usines éventrées recouvertes de lierre, êtres humains vivotant en lisière du monde, toutes ses images angoissantes excitent votre imagination ?
Inutile de visionner en boucle le film "le survivant", de vous offrir un voyage touristique dans la zone interdite de Tchernobyl, ou de jouer à des jeux vidéo post-apocalyptiques, il vous suffit de prendre la première sortie d’autoroute au nom un peu exotique que vous trouverez 200 km après Paris et de suivre au hasard toutes les petites routes que vous trouverez. Vous découvrirez alors une France à peine croyable, celle qui existe au-delà des périmètres féodaux de nos grandes villes. Une France abandonnée, une France presque en ruine, celle des campagnes.
J’ai découvert cette France il y a près de 20 ans, par hasard, presque après m’être égaré, comme dans le célèbre feuilleton "Les envahisseurs". A la différence près que ce ne sont pas des aliens venant d’une autre planète que j’ai découverts ainsi, mais une partie oubliée de ma famille.
J’ai découvert, éberlué, des villages abandonnés ou presque, avec leurs petites et grandes maisons recroquevillées autour d’une minuscule mairie et d’une église hors d’âge. On y découvre souvent de splendides bâtisses tombant en ruines qui feraient rêver nombres de parisiens ou de banlieusards enfermés dans leurs logements minuscules, des carcasses d’écoles vides et muettes, des petites boutiques fermées depuis des décennies avec leurs enseignes à peine lisibles, parfois aussi d’antiques usines mangées par la rouille et le salpêtre. Il peut arriver que dans l’un de ces hameaux perdus, on aperçoive la silhouette voutée d’une vieille personne assise sur un banc qui nous regarde passer comme une apparition devant sa maison, avec son chien qui soudain aboie et course un moment notre voiture.
J’ai découvert des petites routes envahies par les herbes et la mousse, serpentant entre des bois touffus et des prés traversés quelque fois de chevreuils à peine effarouchés. Parfois au détour d’un virage et d’une trouée dans les branchages, on aperçoit un vieux château délabré, probablement peuplé d’une légion de spectres.
Cette France semble avoir été immobilisée par une sorte de flash temporel. On se dit que ce que l’on voit est impossible. C’est en effet impossible de penser que l’on accepte de vivre dans des mégapoles surpeuplées et polluées, tandis que ces immenses étendues de paysage gisent sous un incompréhensible et fatal linceul.
Alors on essaye de comprendre. Oui, bien sûr, on nous a appris l’exode rural, la révolution industrielle, etc. Mais la révolution industrielle n’est-elle pas terminée ? Puisque tous les grands seigneurs de l’industrie déménagent les usines dans des pays ou les serfs acceptent encore plus de misère ? Il parait qu’une nouvelle révolution commence, la révolution numérique. Alors on se dit qu’à l’heure d’internet, il est devenu inutile et stupide de parquer encore des masses de travailleurs aux pieds des vieux donjons de l’économie.
Peut-être vous rendrez vous compte, comme cela m’est arrivé, qu’ici vous êtes vraiment chez vous, et pas dans une ville comme Paris qui a perdu son âme depuis longtemps et où tout le monde vit s’habille et mange comme à New-York, Londres ou Berlin ?
Bien sûr, ces campagnes ne sont pas désertes. Il existe encore des petites ou moyennes bourgades qui tentent de survivre. La même lèpre de centres commerciaux hideux ronge leurs faubourgs comme nos banlieues, tandis que l’on reconnait çà et là dans leurs centres villes les devantures mortes d’anciens petits commerces.
Des gens habitent encore dans ces campagnes, des cousins que nous avons oubliés et qui parlent encore parfois avec de chaleureux accents surannés. Leurs vies ne sont pas faciles. L’économie libérale triomphante est passée par là. Il ne semble pas y avoir d’alternatives dans les campagnes entre le petit agriculteur surendetté et suicidaire et le propriétaire d’exploitations immenses surveillées par satellites, qui spécule le prix de ses récoltes sur internet. Nous sommes au cœur du royaume de Monsanto et de la FNSEA.
Comment ne pas se dire devant ces paysages immenses et désolés que si un nouveau départ était possible, ce pourrait être ici ?
Avez-vous lu "Walden" de Henri David Thoreau, le livre qui a inspiré le célèbre film "Into the wild" ?
Sans aller jusqu'au fameux retour à la nature, un vieux fantasme irréalisable (lisez cette thèse si le sujet vous intéresse), on peut se prendre malgré tout à rêver d'une vie plus "vivable" au milieu de nos si belles campagnes. D’autres ont déjà eu cette idée dans les années soixante et le bilan ne fut pas vraiment concluant, mais le mirage des villes était alors encore très puissant.
J’ai discuté l’an dernier avec un couple de jeunes qui quittait la région parisienne pour tenter sa chance dans la Nièvre. Pas des gosses de familles aisées, juste de modestes banlieusards, chômeurs, qui croyaient encore qu’une autre vie était possible…
Cette longue introduction pour vous faire part de mon étonnement, lorsque j'ai vu sur le site de Médiapart, ce diaporama : "La diagonale de la misère".
J'ai été étonné et presque soulagé qu’un média de l'importance de Médiapart, découvre enfin cette France complètement abandonnée.
Je vous invite à regarder ces photos sur le site de Médiapart...
Il y aurait encore beaucoup à dire sur ce sujet et je suis bien conscient de l'insuffisance de mon bref article. Mais je pense que je serai amené à vous en parler de nouveau.
Mise à jour du 26 octobre 2014 :
J'ai découvert sur le site du journal Marianne, le témoignage de Jean Lassalle, cet étonnant député qui a fait le tour de France à pied pendant 9 mois.
Je ne suis pas un fou, je n'ai pas fait un mauvais rêve non-plus, car cet homme a vu la même France que moi.
C'est à croire que les politiques qui nous dirigent ont un plug anal planté dans chaque œil...
Mise à jour de mai 2015 : Voici quelques photos prises en mai 2015 dans les rues de Nevers, préfecture de la Nièvre...
Nota :
Lorsque j'évoque Tchernobyl, je pense plus aux images saisissantes d'Elena Filatova, qu'à la catastrophe nucléaire elle-même, qui restera une des plus terribles du 20ème siècle.
Toutes proportions gardées on peut tout de même se poser la question de l'état des sols cultivés en France. Selon le microbiologiste Claude Bourguignon, 10% des sols sont pollués par des métaux lourds, 60% sont frappés d’érosion, 90% ont une activité biologique trop faible et en particulier un taux de champignons trop bas ; tout cela à cause du "traitement de choc" de l'agriculture intensive...
Si le sujet vous intéresse, je vous conseille le lien ci-dessous qui traite des travaux des deux microbiologistes, Claude et Lydia Bourguignon :
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