Que s'est-il passé à 13h50 le 18 décembre dernier à la centrale nucléaire de Leningradskaia
à Sovnony Bor, près de Saint-Petersbourg, l’une des plus grosses unités de production d’énergie de tout le
nord de la Russie ?
Silence de mort dans les médias français...
Comme le dit
si bien cet article publié sur un blog de Médiapart, l’un des très rares
articles français relatant ledit "incident" : « Si on n'en parle pas, ça n’existe pas »
De la vapeur
a envahie la salle des turbines depuis des conduites fissurées, puis s’est échappée à l’extérieur du bâtiment. Les
circuits de vapeur traversant directement le cœur du réacteur sur cet antique
modèle (le même sinistre réacteur RBMK qu’à Tchernobyl), il va sans dire que
ladite vapeur était radioactive…
Malgré un
petit vent de panique qui a incité nombre de riverains à courir acheter des pilules
d’iode, nos amis russes se sont très vite rassurés, car les conditions météo
leur étaient favorables. Le nuage de vapeur a en effet été poussé vers la
Finlande. Mais les Estoniens ont du souci à se faire, car les vents dominants
sont habituellement dans leur direction.
Vous trouverez sur le
blog du jeudi un recensement des rares articles (en anglais), qui ont traité de l’événement,
la plupart sont russes ou ukrainiens.
"Incident"
Pourquoi ai-je mis le mot "incident" entre guillemets ?
Mais par "prudence", bien sûr ! Souvenez-vous de la
catastrophe de Fukushima en mars 2011, notre ministre de l’énergie avait
déclaré le lendemain qu’il ne s’agissait pas d’une catastrophe, mais juste d’un "accident grave".
Voir cet article publié sur Transitio :"Pas une catastrophe, juste un accident".
Fukushima, vous souvenez-vous ?
Peut-être pensez-vous que l’affaire
est réglée, puisque l’on en parle plus ? Lisez donc cet article publié sur
le site Politis, intitulé : "Les glaçants aveux du responsable de la centrale".
Vous y lirez que dans un entretien accordé le 20 décembre à l’Agence Associated
Press, le responsable de la réparation de la centrale de Fukushima Masuda
Naohiro a avoué qu’il était dans l’incapacité de prévoir quel serait le coût de
la mise en sécurité des installations, et de fixer une date pour que les
réacteurs fondus cessent de menacer la santé des salariés de l’entreprise et
les habitants de la région alors que les bâtiments accidentés continuent à
polluer les sous-sols et l’atmosphère.
Il a même ajouté qu’il ignorait si,
quand et comment les nouveaux robots pourraient réussir à explorer les débris
des réacteurs fondus pour faire le point sur la réaction qui se poursuit en
dégageant une chaleur d’environ 100° et des émanations radioactives. Il a
également reconnu qu’il devait faire face à une véritable « zone de
guerre ».
Les ingénieurs de TEPCO, le propriétaire de la centrale, ne
savent même pas où se trouvent les débris des réacteurs ni comment il serait
possible de les extraire. Ils ignorent également si les travaux nécessaires
pourront être commencés avant une dizaine d’années !
Des catastrophes, dans la durée
Le problème avec les "accidents" ou "incidents" nucléaire, c’est que l’on ne se sait jamais vraiment au bout de combien
d’années ils se terminent.
Pour la catastrophe de Tchernobyl qui a
eu lieu en 1986, on a une petite idée, puisque l’on sait que la région sera
dangereusement radioactive pendant,… 48.000 ans !
Même problème avec le nombre de
victimes. Tchernobyl, qui par exemple, continue de tuer et de rendre malades les
populations de la région.
Prenez le temps de regarder ce reportage intitulé « les fantômes du nucleaire -Tchernobyl et son double », diffusé en 2009 sur la chaîne publique France 3 dans l'émission 7 A VOIR.
Si vous souhaitez en savoir plus, lisez cet article
publié en 2011 sur Transitio : "L'impact de Tchernobyl revu à la hausse".
Vous y trouver un lien vers une autre page de Transitio qui évoque le rapport publié en 2010 par la New York Academy of
Science et intitulé «Chernobyl : Consequences of the Catastrophe for People and
the Environment». Ledit rapport est d’ailleurs téléchargeable sur cette page de Transitio.
Les autres centrales russes…
Un autre point intéressant de cet excellent reportage de
France 3, c’est qu’il évoque les autres centrales nucléaires russes. Il se
termine en effet par une intéressante description de la centrale
de Koursk, sœur jumelle de Tchernobyl.
Vous y verrez un respectable médecin, membre de notre
Institut de Radioprotection et Sûreté du Nucléaire, étudier les effets
désastreux de cette catastrophe sur les enfants.
Vous y apprendrez que des travaux d'amélioration ont réduit
de 100 les risques d’accidents ! Et un ingénieur russe vous assurera que la
centrale n’est pas dangereuse car elle répond aux normes de sécurité russes !
Les malheurs de la sœur jumelle de Tchernobyl
Vous savez quoi ? Un an après, le 22 Juillet 2010, à 12h23,
le système de protection d'urgence de la centrale de Koursk a déclenché l'arrêt
du réacteur, suite à une augmentation de la pression dans le cœur de celui-ci,
causée par des dommages subis par l'un des canaux du système de contrôle et de
protection.
Le 4 Août, Greenpeace Russie a envoyé une lettre au
procureur général russe Iouri Tchaïka, qui a déclaré : "Selon les
informations mises à notre disposition, une augmentation des niveaux de
rayonnement de fond a été enregistrée par des capteurs de rayonnement de fond
au moment de l'arrêt d'urgence qui a été lancé. D’après nos informations,
l'un des canaux de contrôle du réacteur 1 a été détruit, accompagné de dommages
survenant à la pile de graphite. La probabilité est très élevée que ça
aurait pu conduire à un déversement accidentel d'une partie de l'eau radioactive
et à un rejet de radioactivité au-delà des locaux de l'usine ".
Conséquences des améliorations !
Le plus "drôle”, lorsqu’on lit cet article :
« Accident
at Russia’s Kursk Nuclear Power Plantreveals blatant disregard of safety standards : Is the Russian nuclear industry headed for a meltdown?”, c’est
que les fameuses améliorations évoquées dans le documentaire de France 3,
pourraient avoir été l’une des causes possibles de cet accident !!!
Mais la sœur jumelle de Tchernobyl n’est pas au bout de ses
misères ! En 2013, La
Voix de la Russie, révélait (succinctement) que l'un des générateurs de
turbine de la première unité de la centrale nucléaire de Koursk avait été arrêté
après que la protection d'urgence se soit activée !
Les informations en France ?
Mais que s’est-il vraiment passé ce 18 décembre dernier à la centrale nucléaire de Leningradskaia à Sovnony Borg, près de Saint-Pétersbourg (ex-Leningrad) ?
Ce n’est pas en regardant les infos de la télévision
Française que le saurez. Voici quels étaient les sujets traités par le JT
de 19/20 du samedi 19 décembre 2015 :
- Noël : les Français de retour dans les magasins
- Au Grand-Bornand, le manque de neige n'est pas un problème
- 18 adolescents portent plainte pour violences policières
- Syrie : le conseil de sécurité de l'ONU adopte une résolution pour un plan de paix
- Espagne : des élections au résultat incertain
- Noël : les sapins bios se font une place sur le marché
- Spectacles : dans les coulisses du cirque Pinder
- Edith Piaf : un siècle, une voix
Pour ceux qui ne l’auraient pas encore compris le journal
télévisé n’a plus vraiment pour objet de nous informer, et ce, depuis déjà fort
longtemps. Vous avez déjà assez de problèmes comme ça et les médias ne veulent
pas vous accabler avec de nouveaux soucis.
Pourtant, me répondrez-vous, ils nous accablent bien
d’informations stressantes, comme l’austérité, la dette, les guerres pour
l’énergie au moyen orient (ah bon vous ignoriez les véritables causes des
guerres en Irak ou en Syrie ?) et bien d’autres sujet qui nous font
peur ! Je sais que j’ai parfois l’esprit un peu tordu, mais j’aurais
presque envie de vous répondre, que les problèmes dont ils vous accablent sont
choisis avec art. J’irai même jusqu’à me demander si ces problèmes-là ne leurs
sont pas d’une certaine utilité. La
stratégie du choc, vous connaissez ? Non ? Alors cliquez ici.
Mais comme vous avez le sens de la répartie, je suis sûr que
certains d’entre vous me rétorqueront que le nucléaire est un sujet idéal pour
nous faire peur !
J'ai bien essayé d’intéresser les 2 chaînes d'information favorites des Français, mais ce fut en vain, vous vous en doutez !
Faire peur avec le nucléaire ? En France ?
(Mes
digressions fréquentes révèlent ma passion pour une certaine littérature)
Le nucléaire ? Faire peur ? En France ? En
2015 ? Allons ! Vous n’êtes pas sérieux !
Si vous affirmez cela, vous risquez d'être identifié comme un dangereux terroriste !
Si vous affirmez cela, vous risquez d'être identifié comme un dangereux terroriste !
Le nucléaire est une énergie, propre, c’est-à-dire sans CO2,
une énergie abondante et sûre, qui nous assure une grande partie de notre
indépendance énergétique (au prix de picrocholines petites guerres coloniales
en Afrique).
Avez-vous lu cet article récent sur Transitio ? :"Transition
énergétique vers la dépendance"
Ou celui-ci, qui n'est pas mal non plus ? :"Nucléaire, crise en Ukraine, et climat"
Ou celui-là qui est amusant ? :"Quand
le capitaine planète d'AREVA flinguait les vaches !"
Ce n’est pas maintenant, alors que EDF déjà couvert de
dettes, va
quitter le CAC 40, est obligé par le gouvernement de racheter
la plus grande partie d’AREVA pour sauver ce lamentable fleuron du
nucléaire français du gouffre, et que son directeur visionnaire projette de
construire 40
centrales nucléaires en France ! Ce n’est pas maintenant qu’on va
recommencer à vous faire peur avec le nucléaire !
Donc si les médias vous parlent du nucléaire, ce sera juste
pour vous convaincre qu’il va sauver le climat et sauver des emplois. Pour les emplois, je dis
aussi "sauver", parce que pour ce qui serait d’en créer, investir dans
les énergies renouvelables créerait bien plus d’emplois (mais moins de
remontées financières pour les lobbies des énergies sales : pétrole, charbon et
nucléaire). Lire cet article de Transitio "Ecoloterorisme, emplois...et nucléaire"
Revenons à la centrale nucléaire de Leningradskaia (près de Saint-Petersbourg)
Pour
terminer cet article, revenons donc à cette centrale qui a eu un hoquet de
vapeur radioactive le 18 décembre, et voyageons un peu dans le temps…
Image du vaporeux hoquet nucléaire
En
mars 1992, la télévision française n’hésitait pas alors à diffuser un reportage
relatant un accident dans ladite centrale nucléaire de Leningradskaia à Sovnony
Borg, près de Saint-Pétersbourg (ex-Leningrad), "l’une des 15 bombes à
retardement héritée de la gestion communiste" comme il est dit à 43
secondes de cette vidéo que vous pouvez encore visionner sur le site de l’INA,
mais pour combien de temps ? :
Cliquez sur l'image pour accéder au site de l'INA
Vous
pouvez également regarder la vidéo ci-dessous, du journal TV du 29 avril 1986 sur la
catastrophe de Tchernobyl qui venait de commencer...
Le journaliste évoque
plus de 2000 morts et rappelle que cette centrale toute neuve faisait la fierté
de l’URSS. Il y est également dit à la fin, que cette centrale produisait
également du plutonium pour les militaires (comme en France).
Cliquez sur l'image pour accéder au site de l'INA
Si vous n'êtes pas encore lassés des lectures que je vous propose, n'hésitez pas à lire cette traduction d'un article publié dans la Pravda le 7 janvier 1986 vantant les qualités soviétiques de la centrale de Tchernobyl !
Cette incroyable pépite se trouve, bien sûr, dans les archives de Transitio !
Cette incroyable pépite se trouve, bien sûr, dans les archives de Transitio !
Cliquez sur l'image pour accéder à l'article
A noter qu’après la catastrophe de Tchernobyl, la France s’est hâtée de fermer les centrales dites « Graphites – Gaz », Chinon 2 et 3, St Laurent 1 et 2 et Bugey 1) qui n’avaient guère plus d’enceinte de confinement que les réacteurs RBMK soviétiques…
Plus d’infos sur l’évolution de la doctrine du nucléaire
français en lisant cet article du physicien nucléaire Raymond Sené datant
de mai 2008 : "Évolution de la doctrine du nucléaire"
Une conclusion ?
Et joyeux Noël quand même !
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