Article mis à jour le 19/09/2022.
L'objet du litige... |
Une personne en visite chez moi s'étonna un jour de voir dans mon placard de cuisine un véritable service à thé japonais (ayant appartenu à ma défunte mère). Elle se justifia en me faisant part de ses réticences vis-à-vis des appropriations culturelles (1). Selon elle, c'était mal que j'aie ce service chez moi !
Appropriations culturelles
Robe Wax |
Clarisse Sercan Nyuiadzi, créatrice de robes africaines Lisez sa bio et ses principes sur sa page. |
Domination ou fonction évolutive ?
Bien sûr, cette amie n'est pas stupide, et dans la conversation qui s'en est suivie, elle a avancé avec justesse l'argument de la domination et plus particulièrement l'injuste domination des blancs sur tout le reste du monde...
Je ne suis pas communiste, mais je trouve pertinente la lecture
marxiste de l'histoire. Raison pour laquelle j'ai essayé de lui expliquer que
la domination n'était pas seulement une question de couleur de peau, mais aussi
et surtout, une question de classe sociale. (Quant à la domination desdits blancs, à l'échelle de l'histoire de l'humanité, elle n'est que passagère et elle résulte de la chance de certains peuples d'avoir pu occuper des zones climatiques tempérées aux ressources facilement accessibles).
Il y a des dominants dans toutes les sociétés, y compris
chez la plupart des sociétés animales comme celles des primates dont nous
faisons partie. Cela correspond à une répartition des tâches qui s'est
instaurée parce que d'un point de vue évolutionniste, celle-ci fut pertinente à
un moment donné de l'évolution, en fonction des conditions environnementales.
Quand ces fonctions ne sont plus efficaces, comme la prédominance de la
force physique des mâles par exemple, les rôles sociaux évoluent et c'est tout simplement ce qui se passe
actuellement.
Source image : Wikirouge |
Lorsque les représentants de notre classe sociale dominante sont
allés en Afrique acheter des esclaves, là où le commerce des esclaves existait déjà bien des siècles avant leur arrivée (2), ceux-ci les ont achetés aux représentants
des classes dominantes africaines qui ont organisé toujours plus de razzias au
sein de leurs peuples pour satisfaire les besoins de nos planteurs, aux
Antilles et ailleurs. Bien sûr, des malheureux de chez nous ont participé à ce
crime ordonnancé par leurs propres maîtres. Mais quel était leur réelle part de
libre-arbitre dans cet engagement commandé par le besoin de travailler pour
vivre, au sein de régimes ne leur offrant aucune éducation morale autre que
religieuse, celle-ci justifiant bien évidemment l'esclavage (3).
Nous devons également considérer que le système des classes
est un système d'organisation sociale complexe et souvent ambigu. En effet, pour
continuer sur l'exemple de la colonisation et de l'esclavage au 18ème
siècle. Il faut savoir que nombre de citoyens de couleur possédaient eux-mêmes
des esclaves dans nos colonies ! Même s’ils étaient placés dans une situation
juridique inférieure à celle des "blancs", ils appartenaient à une
classe sociale très dynamique économiquement à Saint-Domingue, en Martinique et
dans une moindre mesure en Guadeloupe et en Guyane. Il y avait un transfert
croissant de propriétés de terres et d’esclaves des "blancs" vers les
gens de couleur. Dans trois quartiers du Sud de Saint-Domingue, dans les années
1780, les citoyens libres de couleur participaient à 44 % des transactions
foncières à la campagne. Les libres de couleur possédaient environ 20 % des
esclaves de Saint-Domingue et 5 % en Guadeloupe, à la fin du 18ème siècle. Ceux
de la Martinique étaient dans une situation intermédiaire entre la Guadeloupe
et Saint-Domingue. A Saint-Denis de la Réunion, 61 % des chefs de familles
libres de couleur recensés possédaient des esclaves ! (4)
Un injuste fardeau
Un peu plus tard, cette personne honnête et sensible m'a parlé des origines de
sa famille. Une très modeste famille vivant dans une des régions les plus
pauvres de France, accablée de misère durant des siècles. Elle-même, vit en dessous du seuil minimum de pauvreté et a vécu une
vie particulièrement difficile. Cela m'a donc profondément attristé qu'une
personne aussi vulnérable qu'elle, se sente obligée de porter le poids de crimes
commis par une classe sociale à laquelle absolument aucun de ses malheureux ancêtres
n'a jamais appartenu. Je n'ai cependant pas réussi à lui faire comprendre que
si elle portait un boubou africain, elle pourrait aussi aider une femme
africaine à élever ses enfants.
Aäme, couturière togolaise Source : Agence Nationale du Volontariat au Togo |
Quand nos identités sont simplifiées, l'autre devient un ennemi.
Le wokisme est un impérialisme culturel.
Le concept d'appropriation culturelle est l'un des fruits toxiques qui poussent dans le champ de la pensée du courant "woke". La culpabilité "petite-bourgeoise" qui imprègne ce mouvement me met vraiment mal à l'aise ! Il a fleuri aux USA au sein d'une population sans véritable culture historique (y compris des universitaires !), population embarrassée par le poids des crimes fondateurs qui ont participé à la création de son pays (génocide des Indiens, esclavage puis ségrégation raciale) et surtout une population accablée de ressentiment et d'un sentiment de culpabilité entretenu par une omniprésence délétère de la religion.
Aux USA, Les historiens honnêtes savent que les luttes sociales
ont toujours été traitées à la baïonnette ou à la mitrailleuse (5) et qu'elles ont progressivement été remplacées par des luttes sociétales qui ne risquent pas de remettre en question l'ordre établi, puisque même le pouvoir y souscrit volontiers.
Le "wokisme" est en fait un parfait exemple d'impérialisme culturel, celui d'une société malade imposant les remèdes à ses propres maladies, aux autres sociétés, et ce, sans tenir compte des solutions que celles-ci ont déjà trouvé à leurs propres problèmes.
Ce que je trouve le plus étrange, c'est que ce soient nos mouvements dits de gauche, qui se soient précipités vers ce nouveau produit du soft power américain ! Une preuve que lesdits mouvements abandonnent eux aussi le social pour le sociétal ?
Exemples de luttes sociales :
Répression de la grève des cheminots du Baltimore & Ohio en 1877 |
Massacre des ouvriers de Ludlow en 1917 |
Exemples de luttes sociétales :
Activisme pour la défense des droits des gros Fat acceptance movement |
Des livres brûlés en Ontario, dont des Tintin et des Astérix Source : Journal de Montréal |
(2)
https://www.africavivre.com/afrique/a-lire/essais/le-genocide-voile-de-tidiane-ndiaye.html
(4) https://www.revolutionfrancaise.website/2020/08/29-aout-1789-fondation-dune-assemblee.html
(5) Grèves USA
https://www.jstor.org/stable/3777609?origin=crossref#metadata_info_tab_contents
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article3576
A propos du massacre de Ludlow :
Le 20 avril 1914, le massacre de Ludlow a eu lieu lorsque les troupes américaines ont ouvert le feu avec des mitrailleuses sur un camp de mineurs en grève et leurs familles à Ludlow, Colorado.
12 000 mineurs s'étaient mis en grève en septembre dernier contre la Colorado Fuel and Iron Corporation (CF&I), propriété de la famille Rockefeller, à la suite du meurtre d'un militant des United Mine Workers of America (UMWA).
Ils ont ensuite exigé une meilleure sécurité au travail et d'être payés en argent, au lieu des certificats d'entreprise (jetons qui ne pouvaient être échangés que dans le magasin de l'entreprise).
Les Rockefeller ont expulsé les mineurs en grève et leurs familles de leurs maisons, et ils ont donc créé des « villes de tentes » pour vivre collectivement, que les femmes des mineurs ont aidé à gérer. Les voyous de l'entreprise ont harcelé les grévistes et sont parfois passés devant des camps en les criblant de tirs de mitrailleuses, tuant et blessant des travailleurs et leurs enfants.
Finalement, la garde nationale a reçu l'ordre d'expulser tous les campements de grève, et le matin du 20 avril, ils ont attaqué le plus grand camp de Ludlow. Ils ont ouvert le feu à la mitrailleuse sur les tentes des travailleurs et de leurs familles, qui ont ensuite riposté.
Le principal organisateur du camp, Louis Tikas, est allé rendre visite à l'officier en charge de la garde nationale pour arranger une trêve. Mais il a été battu au sol puis abattu à plusieurs reprises dans le dos, le tuant. Cette nuit-là, les troupes sont entrées dans le camp et y ont mis le feu, tuant 11 enfants et deux femmes, en plus de 13 autres personnes tuées dans les combats. La plus jeune victime était Elvira Valdez, âgée de seulement 3 mois.
Des protestations contre le massacre ont éclaté dans tout le pays, mais les travailleurs de CF&I ont été vaincus et nombre d'entre eux ont ensuite été licenciés et remplacés par des mineurs non syndiqués. Au cours de la grève, 66 personnes ont été tuées, mais aucun garde ou voyou de l'entreprise n'a été poursuivi.
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