Attention, la lecture de cet article présente un risque !
Attention, cet article contient une forte dose de second degré !
« De l’horrible danger de la lecture » est le
titre d’un pamphlet publié par Voltaire en 1765, dans lequel il s’en prenait à
l’intolérance religieuse et à la censure obscurantiste. Voltaire fut le penseur de l'idée de tolérance. Vous trouverez un lien pour le lire, à la fin de cet article dans lequel je vous déconseille de le lire...
En 1989, l'écrivaine Céline Romane avait repris
pratiquement le même titre : « De l’horrible danger de la
lecture : aide-mémoire à l’usage des intolérants ». Il s’agissait d’une
anthologie de textes qui avaient été censurés, ou qui avaient provoqué de vives
réactions de l’Église et de l’État, depuis Copernic jusqu’à Desproges. Cet essai n'est plus en vente mais on le trouve facilement d'occasion sur le WEB.
Bien sûr, j’avais acheté et lu ce livre de Céline Roman. J’avais
20 ans. Dans les années 80, les censeurs faisaient rire tout le monde, à présent ils font
peur à tout le monde. Qu'est-il arrivé ?
Trop de tolérance, tue la tolérance.
Voltaire était un génie, et ce, quoi qu'en disent les philosophes du bazar médiatique. On ressort toujours plus intelligent et aussi plus bienveillant de la lecture de ses écrits qui sont souvent très drôles. Voltaire a été génial lorsqu’il a pensé le concept de
tolérance, une idée nouvelle qui a largement contribué dans les siècles qui suivirent à beaucoup moins s'entre-égorger pour des âneries (Voltaire avait 40 années de guerres de religions derrière lui). Mais le philosophe Karl Popper a été tout aussi génial quand il a énoncé « le paradoxe de la tolérance ».
Karl Popper, né à Vienne en 1902, a rédigé son essai politique
intitulé « La Société ouverte et ses ennemis » à l’époque de la
montée du nazisme. Il a développé l’idée de la nécessité de défendre la démocratie
sans renier ses difficultés inhérentes, parmi lesquelles la plus difficile à
penser est le fameux "paradoxe de la tolérance ", à savoir que l’on
peut tout tolérer, sauf l’intolérance.
Il ne faut pas être tolérant avec les intolérants, sinon arrive
ce qui nous arrive à présent, le triomphe des complotistes, antivax et autres neuneus qui font le bonheur des populistes de tous poils.
Les neuneus !
Les neuneus connaissent intuitivement l’horrible danger de
la lecture. Ils ne lisent pas, ou alors ils ne lisent qu’un seul livre, bien
souvent commenté par un quidam aussi bête qu’eux. Vingt-minutes d’une vidéo
complotiste sur YouTube leur suffira pour claquer le bec de quelqu’un qui a
fait dix années d’études sur le sujet. Le nombre des neuneus ne cesse de s'accroitre. Ils sont de plus en plus puissants. Ils se fédèrent sur les réseaux sociaux. Ils votent et ils bâtissent un monde à leur image, et ce, sans jamais lire...
Source image : Neuneusphère (encore un de mes délires) |
Ne vous méprenez pas sur mon propos, la lecture ne préserve pas de la bêtise. Cette faiblesse peut nous toucher tous, comme l'a si brillamment expliqué Michel Adam dans son "Essai sur la bêtise". La lecture peut même être un vecteur voire un amplificateur de bêtise, comme l'ont si brillamment démontré les religions.
Comprend qui peut : Nul ne vous oblige à suivre la voie ardue du savoir comme Tamino dans la Flûte enchantée. Vous avez également le choix d'être tout simplement Papageno nous dit Mozart.
Lire ne vous rendra pas plus heureux, bien au contraire !
Lire, c'est partager les vies de milliers de personnages, leurs goûts, leurs expériences ! Si vous n'y prenez pas garde, vous risquez un jour d'avoir envie de faire le tour du monde en voilier, de devenir cantatrice ou cosmonaute, alors que vous êtes pauvre, que vous chantez mal et que vous avez le vertige sur un tabouret ! Certains me répondront qu'il peut leur arriver la même chose en voyant un film au cinéma. Peut-être un peu, mais pas autant ! Car au cinéma ou à la télé, vous voyez des gens qui vivent déjà à votre place dans un univers créé par le réalisateur, alors que dans un livre, c'est vous qui vivez l'histoire, c'est vous le metteur en scène le décorateur et les acteurs. Ça vous pénètre bien plus profondément ! Vous êtes acteur d'un livre et seulement spectateur lorsqu'il s'agit d'un film. Ce n'est pas un hasard si longtemps la lecture a été l'apanage de la bourgeoisie !
Qu'adviendra-t-il de vous si vous découvrez des plaisirs qui vous seront à jamais inaccessibles du fait de votre misérable condition ? Vous achèterez des livres de développement personnel écrits par des escrocs qui vous convaincront que tout est possible ?
La lecture fera de vous un paria !
La lecture vous fait vous intéresser à des choses que les gens ne veulent pas savoir et immanquablement vous finirez par vous faire détester en pourrissant l'ambiance dans les dîners entre amis, à cause de vos idées sorties de vos fichus livres plutôt que des rayons du prêt-à-penser !
Ne prenez le risque de lire que si, dès votre enfance, vous voyez beaucoup de gens lire autour de vous. Sinon, n'essayez pas ! Car même votre famille vous reniera ! La lecture est une pratique élitiste, comme le fit remarquer une principale de collège à une professeure de lettre en 2014. Raison pour laquelle, quoi qu'on en dise, l'école se préoccupe avant tout de dégoûter vos enfants de la lecture (sauf s'ils sont nés au bon endroit bien sûr).
Ne croyez pas ces lecteurs bravaches qui vous disent que les livres leurs suffisent et que l’on vit mieux seul que mal accompagné ! La pire des compagnies, c’est soi-même, soi-même dans la solitude. La solitude est une abomination. Elle agit comme un solvant qui peu à peu vous dissout et vous efface du monde.
Quand vous serez seul, ne croyez pas ceux qui vous diront qu'il suffit d'aller vous promener seul, aller à la piscine ou au cinéma seul, en vacances seul et que peu à peu vous rencontrerez des gens et que vous irez mieux. Dès que vous tenterez de discuter avec un quidam, y compris à propos de sujets dont vous vous contrefichez mais qui le passionnent, tôt ou tard vous ferez un faux pas. Vous apparaitrez tel que vous êtes, un lecteur ou une lectrice ! Vous ignorez tant de ces choses de celles qu'il est inutile de savoir !
Je vais vous faire un aveu...
La lecture constitue effectivement un véritable danger. J'en sais quelque chose. Après avoir lu ce livre quand j’avais 20 ans, j’aurais dû comprendre la leçon et m’acheter une télé.
Hélas, durant les 44 années qui ont suivi, je n’ai jamais cessé de lire. Mes 2 heures de métro par jour, durant plus de 40 ans, m’ont permis de lire énormément et l’écoute assidue de France Culture m’a malheureusement guidé dans mes choix.
Toutes ces années ont en fait constitué une sorte de voyage qui n’a fait que m’éloigner toujours plus loin de mes contemporains. Paradoxalement, plus je les comprenais, et moins ils me comprenaient. Plus on comprend, moins on juge et plus on relativise (j'allais écrire "plus on pardonne".) Peut-être que si j'avais lu plus de psycho que de philo et surtout plus tôt, j'aurais appris la nécessité d'être dans le jugement et la condamnation pour être respecté ? Mais c'est une autre histoire...
Un jour peut-être, quelqu’un me retrouvera gisant au milieu de mes
livres, certains précieux ; livres qui finiront tous dans une déchetterie ou une braderie. Les
milliers de lignes que j’ai écrites s’effaceront lorsque seront supprimés les
fichiers de mon ordinateur et que mes sites et autres blogs seront fermés. Ultime
effacement de ce que j’étais devenu, un personnage de livre, déjà hors du monde
des vivants.
Alors croyez-moi, ne lisez pas ! Le danger est réel !
Ou alors lisez ces faux livres que les librairies vendent à profusion, ces
livres écrites par des équipes de professionnels sous le nom d’un auteur bidon
et bientôt ces livres écrits par des Intelligences Artificielles.
Surtout ne lisez pas et vous serez heureux. « Bienheureux les simples d’esprits » comme disait l’autre…
Bertrand Tièche
Le livre de Voltaire se trouve en ligne par le lien ci-dessous.
Mais surtout, ne le lisez pas ! 😉
https://fr.wikisource.org/wiki/De_l%E2%80%99horrible_danger_de_la_lecture
PS : Peut-être y a-t-il trop de second degré dans cet article... 😇